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Encore une fois cette année, l'hyperpopulaire marque de vêtement Abercrombie & Fitch s'impose comme un des leaders dans la douchebagery, le mauvais goût et le manque de bon sens.

Ce mois-ci, le CEO de la compagnie, Mark Jeffries, a (une fois de plus) insisté sur la ligne de pensée d'AF: seuls les jeunes populaires, minces et "hip" devraient porter nos vêtements. En entrevue, il dit:

« Nous engageons des personnes attirantes dans nos boutiques, parce qu'elles attirent d'autres personnes attirantes, et nous visons une clientèle cool et attirante. Nous ne visons personne d'autre. [...]

Beaucoup de gens n'ont rien à faire [dans nos vêtements] [...] Sommes-nous exclusifs ? Absolument. »

Ouch.

Quand une compagnie se fait ordonner par un juge de placer des mannequins issus de "minorités ethniques" (Gonzalez v. Abercrombie & Fitch Stores, 2005) dans leurs publicités, on se rend vite compte qu'on a à faire à une compagnie assez déconnectée de la réalité sociale actuelle. Non seulement le monde dans lequel nous vivons est-il fondamentalement multiethnique, mais ses commentaires viennent également lui aliéner un bassin de population important lorsque l'on considère que la population des États-Unis est à 32% non caucasienne.

En réitérant cette semaine que la compagnie ne désirait pas être associée aux adolescents "plus gras" et en limitant le choix de tailles disponibles en magasin, Jeffries s'est attiré les foudres de milliers de gens. Mon Facebook, ce regroupement de gens hautement éduqués, bassin véritable de l'élite du bon goût et de l'inclusion sociale web, s'est enflammé. Une dizaine de caractères de plus et on envoyait Jeffries au poteau...mais pourquoi?

Ayant déjà mis les pieds dans un magasin AF, je peux affirmer qu'à mes yeux, il ne s'agit là que d’une espèce de cauchemar décadent pour adolescent en chaleur désireux de s'extasier sur de la musique pop en buvant des Redbull. C'est une orgie ou ma définition du mauvais goût vestimentaire vient danser avec mes pires cauchemars auditifs. Je ne suis donc pas leur consommateur type, et les déclarations de Jeffries ne font qu'ajouter une couche de plus à la grande murale que j'ai peint aux couleurs de mon dégoût pour tout ce que représente Abercrombie&Fitch.

Ceci étant dit, les gens magasinant déjà chez AF sont-ils, eux, choqués par les déclarations de Mark Jeffries? J'en doute. Ils sont déjà vendus à la marque, et que le CEO de cette dernière aime se promener en jet privé où de superbes et minces filles lui servent des Martinis en tong leur passe probablement 10 pieds par-dessus la tête.

Quels moyens sont donc disponibles pour les gens outrés par l'énième sortie publique désobligeante du big boss d'AF? Le vote brun.

Le vote brun est bien simple: on vote avec son portefeuille. On n'encourage pas les compagnies qui véhiculent des valeurs contraires aux nôtres; pas besoin de demander que leur CEO soit mis au bucher. Le fonctionnement d'une compagnie est très simple: elle reste en business puisqu'elle reçoit de l'argent de ses consommateurs. Le jour où les consommateurs vont ailleurs, la compagnie ferme.

Les commentaires qui m'ont le plus irrité sont sans doute ceux des gens prêchant le bon exemple. "Quel exemple donnons-nous à nos jeunes filles? Comment leur faire comprendre que la beauté, ce n'est pas dicté par une grandeur de jeans?" Ce bon exemple qu'on veut tant inculquer à notre jeunesse, n'est-ce pas un jugement de valeur? Le bien et le mal, c'est déterminé par un t-shirt?

Si ce n'est pas, contrairement à ce que certains pensent, au gouvernement d'élever et de préparer les enfants à la réalité de la vie sociale, vous croyez que c'est aux CEO multimillionnaires de le faire? C'est le rôle des parents que d'apprendre à leur enfant qu'un camarade de classe bedonnant, ce n'est pas un loser, et que si la petite Alicia n'est pas blanche comme neige, elle n'a pas pour autant moins de droits et de dignité. Que Mark Jeffries pense le contraire, ça ne fait qu'en faire une excellente cible pour ceux d'entre nous qui croient qu'un tel comportement est déplorable, et il incombe à ceux qui ne sont pas de son avis de se manifester et de voter avec leur portefeuille. Si vous n'êtes pas contents, vous pouvez toujours le tweeter, le facebooker ou, comme ce sympathique jeune homme, en faire un vidéo qui pisse à la figure d'une compagnie qu'il déteste. Si John a le droit à son opinion, Jane a le droit de le détester, et ça, c'est précieux.

You go, boy.


Nouvelle par Julien-Pierre Maltais